MARSHALL (A.)

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MARSHALL ALFRED (1842-1924)

La pensée d’Alfred Marshall, fondateur et principal théoricien de l’école néo-classique, premier représentant de l’«école de Cambridge», apparaît comme le trait d’union entre l’économie politique classique (Smith, Ricardo et J. S. Mill) et l’économie contemporaine; en outre, c’est auprès de Marshall que Keynes commença sa carrière. La diversité de sa formation (après des études de mathématiques, il renonça à entreprendre un travail sur la physique moléculaire pour se lancer dans les discussions de philosophie et de théologie sur les fondements intellectuels du christianisme) et la multiplicité des influences qu’il a reçues (la philosophie de Kant, l’évolutionnisme de Darwin et de Spencer, en même temps que la tradition évangélique) ont fait de Marshall un théoricien aux visées amples, qui ne limita jamais ses ambitions à introduire systématiquement (ce qu’il fut un des premiers à faire) la formulation mathématique dans l’exposé économique. Après avoir enseigné à Oxford et dirigé un établissement universitaire à Bristol, il fut professeur d’économie politique à Cambridge entre 1885 et 1908, où il laissa une marque profonde; il fut aussi un membre très actif de la Commission royale du travail (1891-1894).

Bien qu’on puisse — en raison de ses premiers travaux, contemporains de ceux de Jevons — lui attribuer une part de paternité dans le renouveau de l’analyse marginale de la valeur-utilité, son œuvre est essentiellement caractérisée par la conjonction théorique spectaculaire qu’elle opère entre les deux branches traditionnellement opposées de la théorie de la valeur: la valeur-coût des classiques et la valeur-utilité des marginalistes. Son maître livre, les Principes d’économie politique (Principles of Economics , 1890), intègre ces deux orientations dans une vaste construction théorique guidée par le souci — proche de celui de Smith lui-même, le prédécesseur dont il est le plus proche et celui qu’il admire le plus — de refléter fidèlement la pratique économique.

Se défiant, comme son maître Smith, d’un concept simple de la valeur, Marshall réunit d’autant plus facilement les deux traditions d’analyse qui s’y rapportent qu’il les subordonne l’une et l’autre au concept unificateur d’équilibre, instaurant une symétrie presque parfaite entre la valeur-coût (sacrifices, efforts), interprétée comme désutilité, et la valeur-utilité (satisfaction), dont les expressions monétaires respectives, prix d’offre et prix de demande, sont comme «les deux lames d’une paire de ciseaux». En ce sens, cette approche aboutit à une simplification: en considérant pragmatiquement l’équilibre du marché d’un bien, Marshall suppose donnés le prix des autres biens et la constance de l’utilité marginale de la monnaie, construisant ainsi une théorie de l’équilibre particulier, distincte des théories pures de l’équilibre général de Walras, de Pareto et de l’école autrichienne. Certains néo-classiques le lui reprocheront (Robbins, Hicks). Il est d’ailleurs certain que pour le marché des facteurs de production, par exemple, la détermination simultanée des équations pour tous les facteurs pose d’autres problèmes que celle de chaque facteur, dans l’hypothèse où les autres sont fixés.

En fait, cette simplification théorique correspond au souci de rester proche des conditions pratiques de l’économie, où par exemple les facteurs de production interviennent avec un prix d’offre, ce que négligent les théoriciens de l’économie pure. De même, Marshall est conscient du fait que l’équilibre statique de l’offre et de la demande n’est qu’une introduction à l’économie politique: si l’accroissement des quantités demandées mène, par exemple, à une hausse des prix à court terme, ne conduit-il pas, à long terme, à déprimer ces prix, en favorisant une production à large échelle? Loin de simplifier, Marshall affine ici l’analyse marginaliste en y introduisant les conditions de l’offre; refusant, en effet, de s’en tenir au seul point de départ de la théorie du consommateur ou de la demande, il donne explicitement la priorité à la théorie de la production et retrouve par là encore Smith.

Ce nouvel édifice synthétique mène naturellement à de nouveaux concepts riches d’avenir, tel celui de productivité marginale, qui indique à la fois le coût marginal d’un produit en termes de facteur et le prix ou la rémunération du facteur en termes de produit, et qui ainsi prend une place cardinale dans l’explication néo-classique de la production et de la distribution.

C’est surtout l’aspect temporel des phénomènes économiques qui se trouve mis en lumière: en courte période, où les capacités productives et, en général, les conditions de l’offre sont fixes, l’équilibre dépend surtout de la demande; en longue période, toutes les conditions varient, de sorte que le prix d’offre et les coûts qui le déterminent sont l’élément décisif. Cette distinction, qui a certainement beaucoup apporté à Keynes, permet en outre d’homogénéiser la définition de la rente et celle du profit: celui-ci, en courte période, est un surplus sans coût (quasi-rente), alors qu’en longue période il figure légitimement parmi les conditions d’offre. La vocation de synthèse de l’œuvre marshallienne ne doit pas cacher les nombreuses analyses fines que celle-ci contient (théorie de la firme représentative, distinction entre économies internes et externes, etc.). Marchall utilise abondamment statistiques et observations empiriques.

Les Principes trouvent un complément dans Industrie et commerce (Industry and Trade , 1919) et dans le recueil Monnaie, crédit et commerce (Money, Credit and Commerce , 1923), où, à l’aide de la formulation mathématique, l’auteur expose une théorie monétaire en termes de demande de monnaie et reprend la théorie ricardienne du commerce extérieur en termes d’élasticité de demande.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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